Poèmes de la Mer

Maurice Carême, brabançon, (1899-1978) avait l'amour pour la description des paysages.

* Il fait doux *

Il fait intime et doux.
Personne sur la plage.
Le ciel semble à genoux
Au bord du paysage.

La mer est là, immense.
Mais ici, près de nous,
On la prendrait vraiment
Pour une enfant qui joue.

Des goélands repassent,
Lents, si lents qu'ils ressemblent
A de blancs cerfs-volants.
Tout doré que les heures
Se plaisent à relire.

La nuit tarde à venir.

Charles Frémine décrit ainsi les falaises des îles et de la Normandie:

* La Falaise *

Comme la mer baissait, les îles de la Manche
Et les écueils hagards se dressaient sur les eaux;
La grève élargissait sa courbe jaune et blanche,
Les vastes champs de sable étaient fleuris d'oiseaux.

Des femmes, des enfants descendus des villages,
Par groupes, et suivant pas à pas le reflux,
Sur le banc découvert cherchaient des coquillages
ou fouillaient, près des flots, les varechs chevelus.

La falaise émergeait des brumes déchirées,
Quelques ajoncs doraient ses hauts escarpements
et ses durs contreforts, taillés par les marées,
Prêtaient leur rude épaule à ses revêtements.

Coupant de longs sanglots la tristesse des grèves,
Les flots lointains mouraient à l'horizon vermeil,
Et, sur les sables blancs, fuyaient comme des rêves,
Les ombres des oiseaux qui passaient au soleil.

Quelle beauté dans la description de la mer faite par Laurent Taihlade (1854-1919) !

* Comme elle est bleue, au loin, la mer sonore !  *

La Mer !  Comme elle est bleue, au loin, la mer sonore !
La plaine harmonieuse et qui ne déshonore
Jamais le pied tremblant des hommes au coeur bas,
La Mer qui, dans le calme ou dans les durs combats
De la tempête, garde une âme inspiratrice,
La Mer impétueuse et douce est la nourrice
Des Dieux. La Mer, avec ses écumes, ses cris,
Ses hurlements, ses épouvantes, ses débris,
Est l'auguste mamelle où vient boire le Monde.
Plus que les champs couverts de blés, elle est féconde
Et ses gouffres, au sol de nacre et de coraux,
Ses lames où le vent creuse des soupiraux
Gardent, comme une fleur à tous les yeux ravie,
La fermentation énorme de la vie.

La Mer est belle et semble, au bord du ciel changeant,
Un poisson monstrueux aux écailles d'argent,
La Mer est belle. Avec amour, le ciel la baise
Quand, sombre ou ruisselante ainsi qu'une fournaise,
Elle prête au Soleil l'abîme de ses flots.
La Mer, pour les plongeurs et les matelots,
A des sourires clairs et des baisers sans nombre.

Je l'aime.  Cet amour est éclos avec l'ombre,
Avec l'ombre a grandi silencieusement.
Lorsque, impubère encore et, près des flots, dormant,
Je sentais, à mon front, de ses glauques vallées,
Monter languissamment des haleines salées.

Et voilà Rina Lasnier (1915-1977), canadienne qui parle de

*  Marées *

Le ciel a tant sur la mer
Ses étoiles dispersées
Que la mer a connu l'humilité.

Le ciel a tant sur la mer
Sa longue peine appuyée
Que la mer s'est purifiée.

Le ciel a tant sur la mer
Son coeur doux appuyé
Que la mer s'est levée.

Quand le ciel et la mer
Se seront épousés
La mer n'aura plus de marées.

Anna de Noailles nous fait la description dans *Les Vivants et les Morts* du poème:

*  Le Port de Palerme *

Je regardais souvent, de ma chambre si chaude,
Le vieux port goudronné de Palerme, le bruit
Que faisaient les marchands, divisés par la fraude,
Autour des sacs de grains, de farine et de fruits,
Sous un beau ciel, teinté de splendeur et d'ennui….

J'aimais la rade noire et sa pauvre marine,
Les vaisseaux délabrés d'où j'entendis jaillir
Cet éternel souhait du coeur humain :  partir !
- Les vapeurs, les sifflets faisaient un bruit d'usine
Dans ces cieux où le soir est si lent à venir….

C'était l'heure où le vent, en hésitant , se lève
Sur la ville et le port que son aile assainit.
Mon coeur fondait d'amour, comme un nuage crève.
J'avais soif d'un breuvage ineffable et béni,
Et je sentais s'ouvir, en cercles infinis,
Dans le désert d'azur les citernes du rêve.

voilà d'autres poême




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Raymond Queneau (1903-1976) voit le port ainsi:

*  Le Port  *

Le mur qui s'allonge
et le toit qui plonge
les bois tout pourris
ne sont plus ici.

La grue très oblique
les porcs, les barriques
bien que disparus
sont rien moins que vus

Ce bateau sans grâce
près du ciel s'efface
laissant le jour gris
s'enfuir avec lui.

Le Havre, 1920

Francis Vielé-Griffin (1864-1937) voit ainsi:

*  La Mer à Minuit  *

C'est toujours le même doute;
On la guette; elle approche sans bruit;
Elle rit tout bas et elle froufroute
Entre les algues bercées;
Elle s'est doucement glissée
A travers les brisants, là-bas dans la nuit;
Elle a peur qu'on l'écoute;
Et, sur le sable discret,
Elle hésite et recule d'un pas,
Et les algues s'égouttent…..
Mais la voici qui bute aux galets
Qui s' écroulent en fracas !

Entends-la, maintenant: la voilà reconnue;
Elle éveille la dune
D'un grand cri de défi
Et se lève, éperdue,
Avec sa chevelure d'écume, sous la lune,
Qui s'y pose, cornue ….

Car la voici étale; elle est lasse
De son oeuvre fatale et vaine;
C'est l'heure des affres humaines;
Par delà les grèves basses,
S'en retournant, elle entraîne
Vers l'éternité sans trace,
En son filet qui racle et qui roule
Et se tord et hurle en la houle,
L'âme des morts que l'aube chasse …..