CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS DE BELGIQUE
COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE
mercredi 23-11-2005 Après-midi
Questions jointes de
M. Patrick De Groote au ministre de la Défense sur
"le navire de transport stratégique belgoluxembourgeois
M. Luc Sevenhans au ministre de la Défense sur
"le dossier MRMP-(SDAZ) 138102 navire de transport
Patrick De Groote (N-VA):
Alors que le programme DMC n’était pas encore achevé, la Défense voulait, dès l’année 2000, mettre en oeuvre le programme BLST Navire de transport stratégique en collaboration avec le Luxembourg. Initialement, l’intention était d’acquérir un navire Roll on Roll off de 86 millions d’euros pour le débarquement des troupes et des secouristes dans des pays lointains. Le ministre voulait acquérir le navire par le biais d’une procédure de
négociation auprès de la Direction Générale des Constructions Navales française, mais le Conseil des ministres a exigé qu’une adjudication publique soit lancée.
Selon un article paru dans le quotidien "De Standaard" en juillet 2005, le ministre a consulté chaque composante de l’armée lors de la rédaction du cahier des charges. Le navire initial a ainsi été transformé en un bâtiment destiné à l’atterrissage des hélicoptères avec un hôpital flottant. Le prix a dès lors triplé et c’est le chantier néerlandais De
Schelde qui a obtenu l’adjudication. Début 2003, la procédure était stoppée. Le ministre a admis à huis clos au sein de la commission qu’un dédommagement de 75 à 87 millions d’euros devrait être payé.
André Flahaut, ministre:
Il n'y a jamais eu de réunion de la commission de la Chambre à huis clos.
André Flahaut, ministre:
Je suis désolé, mais vous ne pouvez pas dire une chose pareille.
Patrick De Groote (N-VA): …
André Flahaut, ministre:
Attention: soyez précis. Je n'ai jamais participé à cette commission des Achats militaires!
Il est trop facile de se référer à un article de journal, même si ce journal est parfois bien fait. C'est faux! Je n'ai pas participé à la commission des Achats militaires et M. Sevenhans, qui y participe, peut en attester. Ce n'est donc pas moi qui ai fait cette déclaration. Retirez cela bien vite de ma bouche pour constater qu'ici le rédacteur de l'article a peut-être été un peu léger dans ses affirmations.
Le président:
Le ministre ne participe jamais à la commission des Achats militaires.
André Flahaut, ministre:
A force d'avancer et de vouloir piocher dans des dossiers, on finit par commettre des erreurs et finalement par dire des choses incorrectes. Je n'ai jamais dit cela dans une commission! Et la commission de la Défense n'a jamais siégé à huis clos en ma présence! Elle l'a fait pour certains dossiers de l'Hôpital militaire mais je n'étais pas là.
Le président:
On ne siège jamais à huis clos sauf pour des questions bien précises concernant des
personnes.
André Flahaut, ministre:
Il faut tout doucement arrêter de faire des amalgames et de vouloir me faire porter toute la responsabilité de ce qui ne va pas dans le département de la Défense depuis six ans!
Je persiste à croire que s'il y a des choses qui vont bien, c'est parce que nous avons mis de l'ordre.
Si des personnes, dans un bureau d'étude, disent qu'il faut des dragueurs de mines, c'est normal! Avez-vous déjà vu un marchand de chaussures qui ne veut pas vendre de chaussures? Jamais!
Patrick De Groote (N-VA):
Le ministre considère que pour éviter provisoirement une action en dommages-intérêts, il ne doit pas clôturer la procédure d’acquisition maintenant. Donc, la menace est encore bien présente.
Le ministre a évoqué tout à l’heure des achats utiles. Pourtant, quantité d’achats sont en train de rouiller dans un dépôt.
André Flahaut, ministre:
Lesquels?
Patrick De Groote (N-VA):
Les obisiers.
André Flahaut, ministre:
Les obusiers étaient là, n'est-ce pas! Je n'en ai pas acheté!
Patrick De Groote (N-VA): (…)
André Flahaut, ministre:
Ce n'est pas un achat inutile! Je suis désolé!
Ne parlez pas d'achat inutile d'obusiers! Les obusiers étaient là avant que je prenne mes fonctions! Dès lors, il ne s'agit pas d'un achat inutile ou alors expliquez-moi!
Patrick De Groote (N-VA):
Le ministre modernise les Howitzers et y injecte donc de l’argent.
André Flahaut, ministre:
Et n'est-il pas utile de moderniser?
Patrick De Groote (N-VA):
Mais non!
André Flahaut, ministre:
Et pourquoi pas? Ces obusiers, qui vous dit que je ne suis pas occupé à essayer de les vendre?
Patrick De Groote (N-VA):
A qui?
André Flahaut, ministre:
Et que c'est plus facile étant modernisés.
Patrick De Groote (N-VA):
A combien était estimé le coût du navire en 2000? Quel était-il lors de l’établissement du cahier des charges? Est-il exact que le programme NTBL a été définitivement arrêté? Pourquoi?
Où en est la procédure d’adjudication?
A quelle demande d’indemnisation l’État belge risquet-il d’être confronté?
Luc Sevenhans (Vlaams Belang):
Les nombreuses questions sur la marine ne constituent qu’une introduction à la question sur les frégates dont la presse s’est abondamment fait l’écho.
Le ministre a su me convaincre de la nécessité de disposer du navire de transport. Seule la procédure n’était pas bonne. Si le dossier avait été traité efficacement, le navire aurait déjà été en service actuellement pour la moitié du prix. Nous avions la possibilité d’acheter un navire français pour 6 milliards de francs belges.
Une demande d’indemnisation peut encore être introduite. Le ministre a déclaré le 3 décembre 2002 que les avis supplémentaires des avocats et celui de l’administration de la Défense seraient transmis aux membres d’un groupe de travail créé spécialement à cet effet. Le gouvernement devait prendre la décision. Nous sommes toutefois sans informations depuis. Le dossier a été qualifié de "pendant" dans la note de suivi de la commission des Achats militaires.
Quel est l’état d’avancement de ce dossier?
André Flahaut, ministre:
Monsieur le président, en ce qui concerne ce navire, un constat avait été fait: il y a eu une lacune en matière de transport, tant aérien que maritime. Une recherche a donc été faite alors et, peut-être pour la première fois dans l'histoire de l'armée belge, l'ensemble des composantes s'étaient assises autour de la table pour exprimer leurs besoins et formuler des suggestions par rapport à un tel navire. L'originalité, sans doute en préfiguration d'une agence européenne d'armement, une coopération avec le Luxembourg avait été prévue.
Les travaux ont été effectués. Le dossier du navire était estimé initialement à 7,4 milliards de francs. Au moment de la finalisation du cahier des charges, l'estimation s'élevait à 7,7 milliards d'anciens francs. Conformément au plan directeur de la Défense de décembre
2003, il est précisé que "les besoins du transport maritime belge seront assurés via des contrats commerciaux d'affrètement où seront recherchées des synergies avec nos partenaires et alliés".
Voilà ce que reprenait ce plan directeur de 2003.
Je voudrais répéter que j'ai l'habitude d'assumer mes responsabilités.
Pour de pareils dossiers, ce n'est pas le département ni le ministre de la Défense qui prennent la décision, mais elle est assumée solidairement par l'ensemble du gouvernement. Ce n'est donc pas non plus une décision de M. Verhofstadt, mais bien de tout le gouvernement.
Quel est l'état de la procédure d'attribution? Aucune décision d'attribution n'a été prise.
Quelle demande de dédommagement plane au-dessus de la tête de l'Etat belge? Aucune demande de dédommagement n'a été introduite, en tout cas qui serait connue au sein du département.
Comme dit tout à l'heure, les autorités politiques peuvent décider à un moment de modifier leur décision et d'arrêter l'un ou l'autre programme, définitivement ou provisoirement. Sans cela, un pays est ingérable, une localité est ingérable: si vous avez décidé aujourd'hui de placer une porte blindée à tel endroit, mais qu'il n'y a plus de justification parce que le couloir de sortie aura été supprimé, vous allez quand même la faire installer? C'est ce qui s'appelle alors des travaux inutiles.
Patrick De Groote (N-VA):
Je n'ai pas vraiment obtenu de réponse à mes questions. En matière de vision à long terme, la Défense agit toujours de la même manière. Des programmes sont lancés, puis démantelés, ce qui ne manque pas de provoquer des demandes en dommages-intérêts.
André Flahaut, ministre:
Je voudrais vous interrompre, car, ce matin, lors de la discussion du budget, il y a eu un rappel de tous les investissements faits, leur logique et les perspectives à long terme.
Alors, je ne vais pas, au détour d'une question comme celle-ci qui devrait prendre peu de temps, refaire l'exposé complet des investissements. On peut être d'accord ou non, mais j'ai entendu dire aussi qu'il n'y avait plus d'avenir pour la marine. Il reste 6 chasseurs de mines qui vont être modernisés, deux frégates que nous achetons aux Pays-Bas avec des hélicoptères qu'on pourra mettre dessus après les avoir achetés. Donc, de grâce, ne ramenons pas tout au seul problème de dire: il y avait à un certain moment une idée de faire un bateau original; on abandonne, donc on n'a rien fait. Non! Je vous invite à lire les travaux de la commission de ce matin. Et puis, vous m'interrogerez, après avoir lu les travaux, sur la cohérence, la noncohérence ou la non-vision à long terme des investissements qui sont faits. C'est très facile de picorer certains éléments et de dire, au vu de ce qu'on a picoré, que finalement il n'y a rien de bon. De grâce, essayons de voir globalement les choses et pas au travers de l'un ou l'autre article de journal.
Patrick De Groote (N-VA):
Je n'ai pas assisté à la réunion de ce matin. Je ne suis pas membre de cette commission.
André Flahaut, ministre:
Les membres du parlement peuvent assister à n'importe quelle commission quand une matière les intéresse. Quand c'est le cas, s'intéresser au budget de ladite matière constitue un premier pas intéressant.
Patrick De Groote (N-VA):
Le ministre doit comprendre qu’étant donné que je suis le seul et unique membre de mon groupe politique, je ne peux me trouver à sept endroits différents simultanément.
Luc Sevenhans (Vlaams Belang):
J’ai toujours défendu cette acquisition mais à condition que le prix soit raisonnable. Mais
j’observe maintenant que cette acquisition ne sera pas réalisée.
Le ministre nous dit qu’aucune action en dommages-intérêts n’a encore été engagée mais sitôt que cette acquisition sera annulée, ça ne saurait tarder.
L'incident est clos.