Poèmes de la Mer

Extrait d'une belle poésie de Charles Fremine (1841-1906) intitulée
*  Au bord de la Mer *

Un soir, avec le port en face,
Et, sur ma droite, un banc d'îlots,
J'étais assis sur la terrasse
D'un cabaret de matelots.

Le couchant couleur jonquille,
Transfigurait chaque bateau
qui paraissait avoir sa quille
En l'air, avec ses mâts dans l'eau.

La mer montait.  Pour son entrée,
L'écluse s'ouvrit à dessein,
Et les flots verts de la marée,
S'unirent à ceux du bassin.

Et ici un extrait d'un poème de Victor Hugo
* Une nuit qu'on entendait la Mer sans la voir *

Quels sont ces bruits sourds ?
Ecoutez vers l'onde
Cette voix profonde
Qui pleure toujours
Et qui toujours gronde.
Quoique un son plus clair
Parfois l'interrompe…..

Le vent de la Mer
Souffle dans sa trompe.

Oh ! marins perdus !
Au loin dans cette ombre,
Sur la nef qui sombre
Que de b ras tendus
Vers la terre sombre !
Pas d'ancre de fer
Que le flot ne rompe….

Le vent de la Mer
Souffle dans sa trompe.

Anatole Le Braz,  ( 1859.1926 ) auteur de  *La chanson de Bretagne* écrit
dans  * L'Espérance des fiancées *

La mer qui les a tant bercés,
La mer, leur nourrice farouche,
Les a gardés pour fiancés
Et les a couchés dans sa couche.

Et, maintenant, silencieux,
Ils dorment dans la couche verte;
Les flots leur ont fermé les yeux,
Le sable emplit leur bouche ouverte……...

Claude Roy  (1915-1997 ) a écrit dans son recueil  *Clair comme le jour*
un Hommage à Jules Verne

Nos souvenirs ont parcouru
Vingt mille lieues sous les mers
Frôlant les vaisseaux disparus
Le noyés aux lèvres amères …..

Les capitaines de quinze ans
En ont quatre-vingts bien sonnés
Les flots qui s'en vont moutonnant
Emportent épaves les années.

Les nuages glissent dans les nues
Le coeur attend, le coeur espère
Nos souvenirs ont parcouru
Vingt mille lieues sous les mers.

J'aime bien ce que Jean Moréas  (1856-1910) a écrit
dans *Les Stances*       Sur mon visage un peu d'écume

Je songe aux ciels marins, à leurs couchants si doux,
A l'écumante horreur d'une mer démontée,
Au pêcheur dans sa barque, aux crabes dans leurs trous,
A Néère aux yeux bleus, à Glaucus, à Protée.

Quand je viendrai m'asseoir dans le vent, dans la nuit,
Au bout du rocher solitaire,
Quand je n'entendrai plus, en t'écoutant, le bruit
Que fait mon coeur sur cette terre.

Ne te contente pas, Océan, de jeter
Sur mon visage un peu d écume.
D'un coup de lame alors il te faut m'emporter
Pour dormir dans ton amertune.

J'ai bien aimé dans *Les Médailles d'argile* de Henri de Règnier (1864-1936)

Ce beau sable blond que le soleil fait d'or.

Couche-toi sur la grève et prends en tes deux mains,
Pour le laisser couler ensuite, grain par grain,
De ce beau sable blond que le soleil fait d'or;
Puis, avant de fermer les yeux, contemple encore
La mer harmonieuse et le ciel transparent,
Et, quand tu sentiras, peu à peu, doucement,
Que rien ne pèse plus à tes mains plus légères,
Avant que de nouveau tu rouvres les paupières,
Songe que notre vie à nous emprunte et mêle
Son sable fugitif à la grève éternelle.

La nostalgie de sa Normandie inspira Charles Frémine dans:

* Le Raz Blanchart *

Du haut de la roche hagarde
Que le flot ronge nuit et jour,
Au lever du soir je regarde
La mer triste comme l'amour.

Le raz Blanchart qui bout et fume,
Pâle de colère et de bruit,
Trace un chemin marbré d'écume
Sur la Manche où descend la nuit.

Au travers des houles qu'il tranche
Et qu'il redresse en hauts talus,
Il pousse au loin sa ligne blanche
Entre leur flux et leur reflux

Et les vagues te font cortège,
Comme au temps où les matelots
Voyaient sur ce chemin de neige
Marcher Notre-Dame-des-Flots !