Cargo à voileVa-t-on réintroduire la voile dans la marine marchande pour économiser le fioul ?
Le premier cargo tiré par un cerf-volant devrait lever l'ancre en Allemagne à l'automne 2006.
Une expérience écologique dans l'air du temps.
L’Aqua City
a fait ses premières rotations à travers l’océan Pacifique en juillet 1984.
Quand les voiles en polypropylène du vraquier étaient sous des vents favorables, le
moteur principal Sumitomo-Sulzer tournait moins vite et réduisait de 30% la
consommation de fioul. L’Aqua City a été le premier cargo à voiles auxiliaires à arborer le
pavillon de Panama et le seul.
Aqua City
Son affréteur canadien, Showa Line, se déclarait « surpris par les résultats
spectaculaires de la propulsion mixte voiles-diesel ». Des résultats spectaculaires
et en même temps capricieux comme les vents. Pour le voyage inaugural de l’Aqua
City entre le Japon et le Canada, les deux jeux de voiles rigides montées sur des
cadres d’acier à l’avant du navire ont été déployés 3 jours à l’aller et 2 jours au
retour. Au deuxième voyage, elles ont été utilisées pendant 11 jours sur les 13 de la
traversée Japon-Canada et la consommation de fioul évitée a été estimée à 15.000 $.
L’Aqua City faisait partie – puisqu’il faut se résoudre à en parler au passé – d’une
série pilote de 17 navires conçus et construits par les ingénieurs et les chantiers
japonais en réponse au choc pétrolier de 1973 quand la contribution du fioul au
coût global du transport maritime a été considérée comme insupportable. Pour
assurer son autonomie énergétique, le Japon s’est lancé à terre dans l’énergie
nucléaire et à bord de ses navires dans l’énergie éolienne. Le Pays du Soleil Levant
peut s’énorgueillir d’avoir lancé entre 1980 et 1987 des chimiquiers à voiles, des
pétroliers à voiles mais aussi un ferry boat, des vraquiers et grumiers, des
transporteurs de marchandises diverses et deux bateaux de pêche.
Usuki
La surface de voile de l’Aqua City était de 352 m2 pour une longueur de 173 m, du
petit ferry Hamanasu de 54 m2 pour une longueur de 38m50, du grumier Usuki
Pioneer de 640 m2 pour une longueur de 152 m. Le chimiquier Aitoku Maru (66 m
de long) disposait de 85 m2 de voile, le bateau de pêche Seiryo Maru n°1, dernier
de la série, lancé en 1987 disposait de 53 m2 de voiles pour une longueur de 37 m
et le pionnier de la série, le pétrolier Shin Aitoku Maru de 194 m2 de voile pour une
longueur de 66 m.
Sur ces 17 navires révolutionnaires en même temps que retournés à l’ère de la
marine à voile, un ordinateur commandait l’utilisation et l’orientation de la voilure et
modifiait en même temps le régime du moteur principal, l’objectif étant de maintenir
une vitesse constante du navire.
Au bout d’une dizaine d’années d’exploitation, toutes ces innovations ont été
contrées par les forces d’inertie supérieures aux forces du vent et par la versatilité
des cours du baril. Petit à petit, les mâts ont été démontés, les ordinateurs
économes aussi, et quand ils sont arrivés au Bangladesh et en Chine, les
Thepsupharat, Wan Tai et Jing Jiang, ex Usuki Pioneer, Aqua City et Yamakuni
Maru sont arrivés sans signes distinctifs, noyés dans l’anonymat des cargos tristes
à démolir. 8 navires de cette génération perdue naviguent encore aujourd’hui,
parmi lesquels le Shin Co-Op Maru, resté fidèle à son nom et à son armateur, un
tanker d’une longueur de 90 m et initialement doté de 176 m2 de voiles
Aujourd’hui refleurissent dans les symposiums, sur les tables des ministres et même en mer des projets ronflants et « révolutionnaires » de cargos à voiles auxiliaires qui verront
le jour s’ils sont subventionnés et seront durablement exploités si le baril de pétrole ou le m3 de gaz augmentent avec constance
Usuki Pioneer, 1987
Shin Aitoku Maru
Le petit vraquier britannique ASHINGTON
Il fut doté en 1988 d’un système de propulsion auxiliaire, une voilure rigide montée sur un plateau tournant au sommet de sa cheminée.
(photo : Le Havre le 29/01/1988)
L’ensemble, peu esthétique, était commandé par ordinateur et permettait une économie de 10 % en terme de soute.
Le 16 janvier 1998, il est à Brest … mais sa voile a disparu.
la plupart de ces systèmes n’ont pas perduré parce que le besoin ne s’en faisait pas vraiment sentir et que le jeu n’en valait pas la chandelle, le carburant étant alors disponible à profusion
Niels Stolberg, créa à Hambourg en 1995, la Beluga Shipping qui met en contact clients et armateurs. Stolberg, qui avait entendu parler de SkySails fin 2003, s'est intéressé au projet, jusqu'à y investir son argent personnel début 2005.
"Le système SkySails fonctionne sans personnel additionnel grâce aux autopilotes intégrés. Mais, lors de la première navigation, qui devrait avoir lieu en septembre 2006 sur notre navire le Beluga Negotiation (100 mètres de long), plusieurs ingénieurs seront à bord pour vérifier que tout se passe bien. La surface du cerf-volant sera de 160 m2 pour commencer. Si le système nous permet d'économiser entre 10 et 30 % de carburant, il sera généralisé sur notre flotte".
En attendant ce premier test grandeur nature, SkySails continue les essais. Il vient d'acquérir un cargo de 55 mètres et 450 tonnes, le Beaufort, qui sera équipé d'un cerf-volant de 80 m2 dès mars 2006. "Nous pensons atteindre la rentabilité en 2009-2010 et équiper 2,2 % de la flotte mondiale en 2015, soit 900 cargos. L'objectif est ambitieux, mais les nouvelles législations vont nous aider à convaincre le marché", assure, souriant avec confiance, Stephan Wrage
la turbo voile
Quant au "turbovoile" mis au point par Bertrand Charrier et Lucien Malavard pour Jacques-Yves Cousteau, qui s'en souvient encore ? Utilisant "l'effet Magnus", ce système était constitué d'un cylindre en rotation qui aspirait l'air par des fentes. Il promettait 25 à 30 % d'économie de carburant. En 1983, Moulin à vent, bateau équipé d'une turbovoile, quittait Tanger en direction de New York. Au cours de la traversée, le fardage trop important fut arraché par le vent.
Le commandant Cousteau persévéra dans cette voie. Le 17 juin 1985, il arriva à New York, à bord de l'Alcyone, navire équipé de deux turbo-voiles. Mais sans convaincre la communauté maritime