L'arrivée à Sainte-Hélène[
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Le prince de JoinvilleLe
7 juillet 1840, à sept heures du soir, la
frégate La Belle Poule (en) appareillait à
Toulon, escortée de la
corvette La Favorite. Commandée par le
prince de Joinville, fils cadet du roi, qui avait la responsabilité de l'expédition
[15], la frégate emportait à son bord
Philippe de Rohan-Chabot, attaché d'ambassade à Londres et commissaire désigné par Thiers pour présider aux opérations d'exhumation (le chef du gouvernement veut s'approprier autant que possible la gloire de l'expédition), les généraux
Bertrand et
Gourgaud, le comte
Emmanuel de Las Cases, député du
Finistère, fils de l'auteur du
Mémorial de Sainte-Hélène, et cinq domestiques qui avaient servi Napoléon à Sainte-Hélène : Saint-Denis plus connu sous le nom de
Mamelouk Ali, Noverraz, Pierron, Archambault et Coursot. La corvette, commandée par le capitaine Guyet, transportait
Louis Marchand, premier valet de chambre de l'Empereur, qui était avec lui à Sainte-Hélène. Faisaient également partie du voyage l'abbé
Félix Coquereau, aumônier de la marine,
Léonard Charner, lieutenant du prince de Joinville et commandant en second, Hernoux, son aide-de-camp, le lieutenant Touchard, le jeune Arthur Bertrand, fils du général et le docteur Rémy Guillard.
Dès le vote de la loi, la frégate avait été aménagée pour recevoir le cercueil de l’Empereur ; dans l’entrepont, on avait construit une chapelle ardente, drapée de velours noir brodé d’abeilles d’argent, au centre de laquelle se dressait un catafalque gardé par quatre aigles de bois doré.
Le voyage aller dura quatre vingt-treize jours. Du fait du jeune âge d'une partie de l'équipage, l'expédition se transforma en voyage touristique, le Prince mouilla quatre jours à Cadix, deux à Madère, quatre à Ténériffe. A
Bahia, ce furent quinze jours de bals et de fêtes. Enfin, les deux navires parvinrent à Sainte-Hélène le
8 octobre et trouvèrent dans la rade le
brick français
L'Oreste, commandé par Doret, devenu
capitaine de corvette : c’était un des enseignes de vaisseau qui, à l’
île d'Aix, avait formé le plan audacieux de faire évader Napoléon sur un chasse-marée, et qui venait lui rendre les derniers devoirs. Doret apportait des nouvelles inquiétantes : l'incident d'Egypte allié à la politique agressive de Thiers annonçait une rupture diplomatique imminente entre la France et le Royaume-Uni. Joinville savait que la cérémonie serait respectée mais il se mit à craindre pour le voyage de retour.
La mission débarqua le lendemain et se rendit à
Plantation House où l’attendait le gouverneur de l'île, le major général Middlemore. Après une longue entrevue avec le prince de Joinville, le gouverneur parut devant le reste de la mission, qui s’impatientait dans le salon, et annonça : « Messieurs, les restes mortels de l’Empereur seront remis entre vos mains, le jeudi 15 octobre. »
La mission se remit en route en direction de Longwood et descendit d’abord dans la « vallée du tombeau », dite aussi « du
géranium ». Le tombeau de Napoléon, situé dans ce lieu solitaire, était couvert de trois dalles placées au niveau du sol. Le monument, très simple, était entouré d’une grille en fer, solidement fixée sur son soubassement et ombragé par un
saule pleureur, un autre était couché mort à côté. Le tout était entouré d’un grillage en bois ; tout près, et en dehors de cette enceinte se trouvait une fontaine dont l’eau fraîche et limpide plaisait à Napoléon.
A la porte de l’enceinte, le prince de Joinville mit pied à terre, se découvrit, et s’approcha de la grille de fer, suivi par le reste de la mission. Dans un profond silence, ils contemplèrent la tombe nue et sévère. Au bout d’une demi-heure, le prince remonta à cheval, et tout le monde rentra à bord. La dame Torbet, propriétaire des lieux, qui y avait installé une guinguette où elle débitait des rafraîchissements aux rares pèlerins, était fort mécontente car l’exhumation allait tarir son petit bénéfice.
On alla en pèlerinage à Longwood qui se trouvait dans un grand état de délabrement : les meubles avaient disparu, des inscriptions étaient sur plusieurs murs, la chambre de Napoléon était devenue une écurie où un fermier faisait paître ses bêtes. Les marins de
L’Oreste se jetèrent sur le billard, qui avait été épargné par les chèvres et les moutons, et en arrachèrent la tapisserie et tout ce qu’ils purent emporter, sous les vociférations du fermier qui arrondissait son revenu en faisant visiter l’endroit et réclamait à grands cris une indemnité. Les militaires anglais auraient rougi de honte devant le peu de respect de mémoire du lieu.