HISTOIRE
b)
Le RedoutableC'est l'arsenal de Cherbourg, berceau de la majorité des sous-marin français qui fut choisi pour y construire
Le Redoutable. A la différence des Anglais qui bénéficièrent de l'aide américaine pour la construction de leurs sous-marins nucléaires, les Français durent se passer du soutien des USA.
En premier lieu, il s'agissait de trouver un acier convenable pour la réalisation de la coque épaisse. Or la France disposait d'un acier à blindage ayant fait ses preuves, très élastique, en avance sur son temps et présentant toutes les vertus mécaniques exigées dans les coques des sous-marins pour atteindre des immersions importantes. Ce premier obstacle passé, tout restait néanmoins à inventer. Premièrement, la propulsion. Si il y eu un prototype à terre (voir premier épisode), l'installation sur un sous marin était loin d'être une chose aisée. Deuxièmement la sécurité plongée. Les nouveautés sont légion : la régénération de l'atmosphère, l'installation de tenues automatique de l'immersion pour le lancement des missiles, le développement des télécommandes. Troisièmement, la navigation dont la précision va être garantie par trois centrales inertielles très perfectionnées. Quatrièmement, les missiles. C'est un domaine entièrement nouveau. Le premier tir de missile se fera en 1966. De plus, il n'est pas simple de permettre des lancements à travers des couches d'eau de plusieurs dizaines de mètres. La solution sera trouvée : le missile sera projeté hors du sous-marin par de l'air comprimé puis entamera sa course dans l'atmosphère après allumage des propulseurs. Comme sur les sous-marins américains,
Le Redoutable comprend 16 missiles. Cinquièmement, les équipements électroniques avec un ensemble d'ordinateurs chargé de remplir de multiples fonctions telles que le lancement et la maintenance des missiles, l'élaboration de la situation tactique etc. Le chantier du
Redoutable, ce sont 1700 techniciens et ouvriers, 5000 plans ou schémas, près de 1500 commandes diverses, un sous marin comprenant 100 km de tuyaux et 700 km de cables... Jamais un sous-marin aussi gros n'avait été construit en France.
En construction :

Il fallait également constituer l'équipage devant s'adapter au monde des chaufferies nucléaires, des missiles et des ordinateurs. Deux gros services s'imposèrent : Opérations et Énergie-Propulsion. Les effectifs de l'équipage furent fixés à 135 hommes. Difficile d'aller plus loin en membres d'équipages : la surface habitable est de 240 m², ce qui correspond à moins de 1,80m² par individu. Mais il faut reconnaitre que les hommes sont infiniment mieux logés que sur les sous-marins classiques. Dés sa conception et afin d'assurer au mieux la continuité de la dissuasion, il avait été prévu que le bâtiment serait employé par deux équipages : le Rouge et le Bleu. Ainsi lors d'une première patrouille, un équipage reste 72 jours à la mer, 28 jours sont consacrés à la remise en condition des installations, aux approvisionnements et à la prise en main par les suivants qui partent à leur tour 72 jours et ainsi de suite.
Cherbourg, 29 mars 1967, 10h40, Charles de Gaulle appuie sur le bouton vert, la coque du Redoutable s'enfonce dans le bassin et commence à flotter à l'air libre. Le 26 avril 1968, le premier embryon d'équipage rallie le bord. En janvier 1969, la chaufferie nucléaire diverge. Les premiers essais à la mer se déroule du 18 mai au 8 novembre. Le bilan fut considéré comme satisfaisant sans autre incident majeur que la rupture d'un flexible d'alimentation d'un turbo-alternateur. Le 25 septembre 1970,
Le Redoutable quitte définitivement Cherbourg pour rallier l'ile Longue en rade de Brest. Les 29 mai et 26 juin ont lieu deux tirs de missiles coiffés de têtes inertes. Le Redoutable se soumet ensuite à la règle qui veut qu'un bâtiment en achèvement effectue une traversée de longue durée avant son admission au service actif. Le 7 juillet, le submersible appareille avec l'équipage Bleu, vers la mer de Norvège, zone de prédilection des SNLE français( et autres nationalités...) pendant la guerre froide. L'équipage Rouge appareilla ensuite pour une traversée de 30 jours. Le 1er décembre 1971,
Le Redoutable est admis au service actif et effectue sa première patrouille deux mois plus tard avec à son bord 16 missiles opérationnels de 450 kilotonnes, l'équivalent de 450 fois Hiroshima.
Charles de Gaulle devant le premier SNLE français :
Le Redoutable à son lancement :

Le 28 janvier 1972,
Le Redoutable appareille pour sa première patrouille. Cap sur le large par une nuit très noie et très froide sur une rade balayée par un fort vent de sud-est. Une fois les eaux profondes atteintes le sous-marin quitte la surface et procède à toutes les vérifications prévues : plongée à immersion maximale, montée en allure jusqu'à la vitesse maximale, essais de tous les équipements. Des exercices avec le
Maillé-Brézé, avec le sous-marin
Requin et des avions de patrouilles maritimes puis c'est le transit vers la zone de patrouille. Celle-ci, en dehors de lancements fictifs, d'un bon comportement du matériel et de l'équipage fut marqué par une opération de l'appendicite et surtout le suivi du sauvetage du sous marin soviétique K 19 obligeant le commandant à manoeuvrer sans cesse pour ne pas se retrouver au beau milieu des trentes navires soviétiques envoyés à la rescousse de ce sous-marin à bord duquel un incendie s'était déclaré et qui fut obligé de faire surface (30 marins russes perdirent la vie au cours de ce drame). Quant au
Redoutable, une fois sa patrouille terminée, il rentra sur Brest et l'équipage Bleu prit le relais. La composante sous-marine de la dissuasion française était devenue une réalité.
Le Redoutable en service actif :

Caractéristiques techniques :
Longueur : 128, 70m.
Diamètre : 10,60m.
Tirant d'eau : 10m.
Déplacement : 9000 t en plongée, 8080 en surface.
Propulsion : un réacteur à eau pressurisé de 16 000 cv, deux turbines à vapeur, un groupe turboréacteur, deux moteurs diesels de 1156 cv, une seule ligne d'arbre avec une grande hélices à 7 pales, un propulseur d'étrave.
Vitesse maximale : 12 nd en surface, supérieure à 20 nd en plongée.
Immersion : 300 m autorisé en temps de paix
Equipage : 135 hommes : 15 officiers, 101 officiers-mariniers, 9 quartier maitre et matelots.
Autonomie (en vivres) : de 70 à 90 jours.
Navigation : un radar, trois centrales inertielles, des récepteurs Loran et GPS.
Détection : Périscope de veille, périscope d'attaque, sonars et système d'écoute passif à très basse fréquence.
Armement : seize missiles stratégiques M1 portant chacun une tête nucléaire de 450 kt d'une portée de 2000 km. puis M2 à partir de 1974 et M20 à charge mégatonnique d'une portée supérieure à 3000 km. 12 torpilles L5. Le SM39 Exocet et les torpilles F17 apparaitront ultérieurement.
(à suivre : dans le prochain épisode : la base de l' Ile Longue)