Lion : Le cadet des bateaux écoles de la marine fête ses 25 ans
Groupe de BEGros plan aujourd'hui sur les bâtiments écoles (BE) de la marine au travers du petit dernier de la famille. Le 10 septembre 1983 entrait en service le huitième et dernier navire du type Léopard. Construit aux chantiers La Perrière de Lorient, le Lion et son équipage célèbrent aujourd'hui, à Brest, un quart de siècle d'une intense activité. Une partie des 25 anciens commandants est notamment présente. En 25 ans, le navire a vu passer des milliers de marins, venus apprendre à tenir un quart en passerelle. Tous les commandants de la Marine nationale ont, d'ailleurs, embarqué sur les « BE », qu'on appelle aussi familièrement la « ménagerie » en raison de leurs noms (Léopard, Panthère, Jaguar, Lynx, Guépard, Chacal, Tigre et Lion). Alors élève à l'Ecole Navale, le lieutenant vaisseau Sébastien Cousin a découvert son métier de cette manière, en 2001 et 2002. Après des embarquements sur la frégate Floréal et les sous-marins Perle et Le Vigilant, il a été nommé, en février dernier, commandant du Lion. « Six ans après, c'est beaucoup d'émotion. C'est là que j'ai fait mes premières armes en tant que chef de quart, mais aussi chef d'équipe. Sur ces navires, on apprend à mieux appréhender, plus tard, ce que sera son travail de chef de service ou de commandant », explique l'officier, aujourd'hui âgé de 27 ans.
Le LionQu'il s'agisse du Lion ou de ses 7 sisterships, tous basés à Brest, les BE servent à la fois à la formation des officiers (Ecole Navale) et à celle des officiers mariniers (Ecole de Maistrance, Ecole de manoeuvre et de navigation). Sur les petites unités de la marine, ces derniers remplissent également la fonction de chef de quart. « Fusionner les formations permet de mutualiser les moyens et le retour d'expérience. C'est très riche humainement car, bien que les grades soient différents, ce sont des personnes qui, à terme, pourront effectuer le même travail de chef de quart et seront toutes face aux mêmes responsabilités », explique le LV Cousin. Ainsi, la semaine dernière, le Lion naviguait sur la façade atlantique avec de jeunes enseignes de vaisseau qui partiront en décembre sur la Jeanne d'Arc, mais aussi des officiers mariniers effectuant leur dernière corvette (traversée) d'application avant de devenir chef de quart. En tout, chaque navire embarque un équipage de 16 marins et de 10 à 12 élèves.
Le LionUn « sous-marin » de surface pour amariner les jeunes En parallèle des moyens de formation terrestres, comme les cours théoriques et les simulateurs de l'Ecole Navale, dès le début de leur affectation, les élèves doivent se mesurer à la mer. « Dans les six premiers mois de l'Ecole Navale, on embarque 2 à 3 semaines sur les bâtiments écoles. C'est un outil essentiel, véritablement complémentaire de l'instruction à terre. Il s'agit de conduire dans la réalité un bateau, de donner des ordres. On apprend à gérer des hommes à la mer et l'on exerce vraiment le métier pour lequel on a été recruté. Le tout, dans des conditions réelles, que le simulateur ne pourra jamais reproduire ». Et, côté sensations, les BE sont réputés pour avoir provoqué un certain nombre de mals de mer. Très marins, ces petits bateaux de 43 mètres de long et moins de 500 tonnes de déplacement en charge sont dépourvus de stabilisateurs. Quand on écoute le pacha du Lion, on comprend d'ailleurs pourquoi ces unités sont parfois qualifiées de « sous-marin de surface » lorsqu'ils affrontent du gros temps. « Ils roulent bord sur bord et on peut atteindre 25 ou 30 degrés de roulis ou de tangage. C'est assez impressionnant et il n'est pas rare de voir passer une vague par-dessus. Ces conditions permettent d'amariner les jeunes officiers ».
Les fauves se déplacent en bandesUtilisés en complément des voiliers écoles de la marine (Belle Poule, Etoile, Mutin), où l'on s'initie à la mer et à la navigation à l'ancienne, les BE sillonnent les eaux françaises et européennes. En moyenne, ils réalisent quelques 120 jours de mer par an, soit jusqu'à 150 jours hors de Brest. Certaines corvettes peuvent en effet durer plusieurs semaines. Conçus pour pouvoir traverser l'Atlantique, les BE sont plutôt utilisés pour des traversées littorales, sur le pourtour hexagonal bien sûr, mais aussi dans toute l'Europe. Il n'est par exemple pas rare de les voir jusqu'en Baltique. La ménagerie n'aimant pas la solitude, les fauves se déplacent en bandes de 2 à 5 ou 6 individus. « Les élèves apprennent à faire le point, à naviguer mais aussi à manoeuvrer, seul et en groupe. Le fait de partir à plusieurs bâtiments permet de réaliser des entrainements mutuels et à proximité les uns des autres ». A la passerelle, les élèves vont notamment se roder à la présentation au ravitaillement à la mer. Simulation grandeur nature, la PRERAM consiste à faire naviguer côte à côte et à la même vitesse deux navires, une procédure très délicate qui nécessite une grande vigilance. Car, même si dans le cas des BE il ne s'agit pas d'un ravitaillement entre un pétrolier et une frégate, cette manoeuvre n'a rien de simple. « Faire naviguer des bateaux, même de 500 tonnes seulement, à 20 ou 30 mètres l'un de l'autre, ça n'a rien d'inné. C'est quelque chose qui s'apprend. D'où la formation à la manoeuvre. C'est aussi pour cela que les BE sont des outils très bénéfiques et complémentaires du simulateur », estime le commandant du Lion.
Le GuépardUnités de service publicEn dehors de leur fonction de bâtiments écoles, le Lion et ses frères font partie intégrante du dispositif d'action de l'Etat en mer. Armés de deux mitrailleuses de 12.7 mm, ils assurent notamment, quand ils sont à la mer, une présence dans les eaux territoriales (Vigimer). La ménagerie effectue des missions de surveillance des approches maritime et peut intervenir en cas d'incident, par exemple pour porter secours à des bateaux en difficulté. Une autre de leurs missions, encore moins connue, est la lutte antipollution. Chaque BE dispose, en effet, de soutes capables de transporter plusieurs mètres cubes de produit dispersant. Deux rampes dépliables, situées à l'arrière, permettent de répandre ce produit pour disperser les nappes d'hydrocarbures. En plus des remorqueurs et navires spécialisés basés à la pointe Bretagne, la présence des 8 BE dans la région de Brest représente donc une capacité non négligeable en cas de pollution maritime. Les BE, qui s'entrainement régulièrement à cette mission, sont, d'ailleurs, souvent associés aux exercices de lutte contre la pollution.
La PanthèreUn avenir incertain Très précieux, tant pour la formation des marins que pour leur capacité d'action en mer, les 8 BE de la flotte française commencent à vieillir. Si le cadet de la famille, le Lion, n'a « que » 25 ans, ce qui n'est pas encore un âge canonique pour un navire militaire, ces bateaux étaient prévus pour être désarmés entre 2010 et 2013. En 2010, les quatre premiers de la série auront 28 ans. Or, faute de crédits - la marine parvenant déjà péniblement à renouveler ses unités de premier rang, aucun successeur n'est pour l'instant prévu. « Plusieurs pistes sont à l'étude. Une remotorisation est notamment envisagée à partir de 2009 pour permettre à ces bateaux d'être prolongés 5 ans », indique-t-on à l'Etat-major de la marine, où on précise bien qu'il ne s'agit que d'une étude et qu'aucune décision n'est encore prise. Pour la Rue Royale, la succession des BE, comme de la Jeanne d'Arc, est en tous cas un véritable problème. Le célèbre porte-hélicoptère, sur lequel les élèves officiers font leur campagne d'application depuis 1964, sera retiré du service en 2010 et, là encore, aucune solution de rechange n'a encore vu le jour. Certains, comme l'amiral Sautter (qui vient de quitter ses fonctions de commandant de la force d'action navale), préconise la construction d'un bâtiment école commun avec d'autres pays, comme la Grande Bretagne. Une solution similaire peut-elle être envisagée pour les BE ? La question se pose, d'autant que ces bateaux suscitent un vif intérêt de la part de la marine britannique, dépourvue aujourd'hui d'unités dédiées à la formation. Tout comme la Jeanne embarque chaque année des élèves étrangers, la ménagerie accueille régulièrement des cadets du Britannia Royal Naval College, creuset des officiers de la Royal Navy. En attendant que l'« amirauté » statue sur son sort et celui de ses frères, le Lion va poursuivre une activité soutenue dans les prochains mois, avec quelques 50 jours de mer prévus d'ici la fin de l'année au profit de l'instruction et des missions de service public.
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